Rencontre avec Gilles Mailhot et Vincent Soulignac

la qualité de l'eau dans le puy-de-dôme

Dans le (soi-disant) « Château d’eau de la France », quel est réellement l’état des lieux des cours d’eau et nappes phréatiques en termes de qualité ? Quelles sont les polluants observés, d’où viennent-ils, quelles conséquences pour la santé et l’environnement … et comment les réduire ?
 

Rencontre de la Résilience du vendredi 26 novembre 2021 avec Gilles Mailhot chercheur à l’Université Clermont Auvergne et Vincent Soulignac, élu à la mairie de Clermont

En présentiel aux Cézeaux et en visio-conférence Zoom

Animation : Damien Caillard
Technique : Patrick Derossis
Synthèse réalisée par Roxana Triboi

La synthèse de la Rencontre

Gilles Mailhot : Comme on l’a vu dans le diaporama d’introduction, on retrouve beaucoup de pesticides dans le département, plus particulièrement dans la plaine de la Limagne, mais aussi des nitrates.

J’ai un exemple tout récent : avec une collègue espagnole, on a comparé les taux de nitrates dans les stations d’épuration à Madrid et à Clermont. Et on a comptabilité un taux 10 fois supérieur à Clermont … tout ça simplement à cause de l’activité agricole dans la plaine de la Limagne.

Mais il faut également noter les résidus de médicaments. Depuis 2012, dans le cadre de l’observatoire Auverwatch que j’ai co-fondé, on a commencé avec une collègue de Besançon des études sur ce type de polluants. Si, au début, on en trouvait ponctuellement dans l’Allier, aujourd’hui – en 2021 – on note leur présence quasi-permanente dans la rivière, et occasionnellement dans la nappe phréatique.

Il y a enfin la problématique des métaux lourds, cependant assez faible car nous n’avons pas sur le territoire une industrie conséquente. Et, bien sûr, la pollution des plastiques causée par les habitants du territoire : une sensibilisation reste nécessaire en vue d’un changement de comportement.

Pour résumer, malgré les efforts des agriculteurs qui s’orientent progressivement vers des pratiques agricoles plus vertueuses, on ne voit toujours pas de vraie amélioration en ce qui concerne les pesticides. En outre, le problème des médicaments se pose de manière de plus en plus aiguë (médicaments pour les humains mais aussi de type vétérinaire en lien avec les élevages intensifs dans le milieu de moyenne montagne).

Vincent Soulignac : J’insiste sur un point : la qualité de l’eau du robinet à Clermont est très bonne, on en donne même à l’hôpital ! En revanche, par rapport à la qualité de l’eau des rivières, il y a la problématique de la matière organique combinée notamment avec les médicaments. Dans les rivières comme l’Allier, tout cela est dilué, ce qui donne une impression d’eau propre. Mais, en particulier dans des petites rivières comme l’Artière et la Tiretaine a Clermont-Ferrand, cela soulève des problèmes significatifs. En outre, l’accumulation de matière organique asphyxie les cours d’eau, un signe étant les poissons qui remontent en surface pour chercher l’oxygène.

Pour ma part, je vois principalement deux types de pollutions de l’eau : la pollution « diffuse » (produits phytosanitaires, récemment interdits pour les particuliers) et les déchets non compostables qui se retrouvent, à cause des fortes pluies, dans les rivières.

Enfin, mentionnons les pollutions liées aux industriels, souvent liées à des aménagements inadéquats et de la méconnaissance. Ainsi que la vidange des fosses septiques, qui – et c’est cette fois bien volontaire – rejette les résidus organiques dans les réseaux des eaux pluviales, qui se retrouvent plus loin dans la rivière.

Gilles Mailhot : Il y a 10-15 ans, l’agriculture a été réfléchie seulement au niveau de la production, et non pas de ses conséquences. Depuis, une prise de conscience a poussé les agriculteurs à prendre des mesures d’amélioration de leur impact.

Aujourd’hui, le dialogue existe, et je suis optimiste en espérant la réduction, voire l’élimination, des produits polluants – grâce à un changement de pratique mais aussi avec l’aide des nouvelles techniques.

Vincent Soulignac : Les agriculteurs, malgré leur réputation, sont plus responsables, car la pollution est liée à une activité productive. C’est vraiment différent des citoyens dont la négligence est à l’origine de leur impact, cela étant plus condamnable selon moi. Prenons garde à ne pas « charger » les agriculteurs !

Vincent Soulignac : Les impacts sanitaires ont beaucoup évolué : il y a 100 ans à Aubière, il y avait de nombreuses maladies liées à la contamination des puits. Aujourd’hui, ce sont plus des maladies sur le long cours.

Gilles Mailhot : Les conséquences de la pollution sur la santé humaine sont, au fond, très peu connues.

Gilles Mailhot : par rapport aux années 80-90, les collectivités locales se sont beaucoup plus penché sur le traitement et la qualité de l’eau et notamment des cours d’eau. Cependant, on observe quand même un impact de plus en plus important sur la flore des rivières. L’eutrophisation, spécifique aux eaux stagnantes, favorise le développement d’une végétation qui tuent toute vie aérobie au fond des rivières ; et elle est due aux phosphates et aux nitrates !

Vincent Soulignac : il faut déjà éviter de rejeter des produits toxiques et des médicaments dans l’eau des toilettes, malgré « l’illusion » de la station d’épuration en aval. Elle n’a pas la capacité de traiter la totalité des eaux usées !

Il y a aussi des actions de contrôle des professionnels, comme les industriels. Par rapport aux agriculteurs, il faut insister sur le changement des comportements vis-à-vis des produits phytosanitaires.

Enfin, les collectivités locales doivent agir pour mieux collecter les déchets et pollutions au sol par temps sec (plus simple) ou de pluie (a améliorer). Et l’efficacité des stations d’épuration doit être aussi améliorée – des travaux sont en cours à Clermont-Ferrand.

Je précise que le réseau séparatif [eaux de pluies non dirigées dans le tout à l’égout] diminue la pollution mais n’élimine pas tous les problèmes. Quand elle est mise en place, elle reste à surveiller pour ne pas causer des accidents issus du mélange eau brute/eau potable. La meilleure solution, quand les conditions hydrogéologiques le permettent, est sans doute de favoriser l’infiltration, de faire que l’eau reste sur place (stockée, recyclée pour l’arrosage), de la reridiger vers le sol, les jardins … Tout cela est une bonne approche pour à la fois réduire la pollution et soutenir l’écosystème.

Gilles Mailhot : avec une équipe de recherche, on essaye de développer des procédés d’oxydation avancée pour aider les stations d’épuration a détruire les pollutions organiques (ou du moins celles qui leur échappent le plus). Le but est ici de trouver des systèmes durables a grande échelle et peu coûteux, mais c’est encore difficile à mettre en place. La sensibilisation des gens est essentielle sur cette question !



Vincent Soulignac : il faut les privilégier, surtout dans le monde agricole. Un changement de comportement sera de toute façon moins coûteux en termes financiers, environnementaux et sanitaires, que des investissements dans l’infrastructure de traitement des eaux.

L’objectif à terme du Ministère de l’Agriculture et de l’INRAE est en fait de réduire de 50% les produits phytosanitaires en agriculture : c’est très ambitieux mais peu réalisable. Cela demande du temps et des changement d’habitudes (en termes de gestion des risques par exemple), et donc un accompagnement financier …

Gilles Mailhot : A l’INRAE, les chercheurs essayent d’accompagner les agriculteurs sur des comportements plus responsables : agroécologie, rotation des cultures … mais je pense que des OGM qui produiraient, par exemple, des céréales moins gourmandes en eau, peuvent apporter des réponses.

Vincent Soulignac : arriver à faire en sorte que les enfants ne jettent plus de papier et de plastique, qui finissent dans les cours d’eau.

Gilles Mailhot : mettre en place un dialogue intense sur les questions de l’eau, pour générer une prise de conscience et un changement de comportement. N’oublions pas que la problématique est planétaire !

Le podcast

LEs vidéos de la rencontre

Interview de Stéphane Corre, fédération de pêche du Puy-de-Dôme

Interview de Yannick Belat, consultant indépendant en gestion de l'eau

Interview de Christophe Bras, responsable pôle Qualité des eaux à la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes

Le teaser de la Rencontre

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